29/12/2012
Morceaux choisis - Léopold Sédar Senghor
Léopold Sédar Senghor
Femme nue, femme noireVétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beautéJ'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeuxEt voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigleFemme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,Bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs,Savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'EstTamtam sculpté, tamtam tendu qui grondeSous les doigts du vainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée Femme noire, femme obscureHuile que ne ride nul souffle,Huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes,Les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau. Délices des jeux de l'Esprit,Les reflets de l'or ronge ta peau qui se moireA l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisseAux soleils prochains de tes yeux. Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'EternelAvant que le destin jaloux ne te réduise en cendresPour nourrir les racines de la vie.
Léopold Sédar Senghor, Poésie complète (Planète Libre, 2007)
image: fr.123rf.com
09:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
24/12/2012
Lire les classiques - Jehan Rictus
Jehan Rictus
lu par Monique Morelli
Et vous aussi, Vierge Marie,Sainte-Vierge, Mère de Dieu,qui pourriez croir’que j’vous oublie,ayez pitié du haut des cieux.
J’ suis là, Saint’-Vierge, à mon coin d’rueoù d’pis l’apéro, j’bats la semelle;j’ suis qu’eune ordur’, qu’eun’ fill’perdue,c’est la Charlotte qu’on m’appelle.
Sûr qu’avant d’vous causer preumière,eun’femm’qu’est pus bas que l’ruisseaudevrait conobrer ses prières,mais y m’en r’vient qu’ des p’tits morceaux.
Vierge Marie... pleine de grâce...j’suis fauchée à mort, vous savez;mes pognets, c’est pus qu’eun’ crevasseet me v’là ce soir su’l’pavé. Si j’entrais m’chauffer à l’église,on m’ foutrait dehors, c’est couru;ça s’voit trop que j’suis fill’soumise...(oh ! mand’ pardon, j’ viens d’ dir’ « foutu. »)
T’nez, z’yeutez, c’est la Saint-Poivrot;tout flamb’, tout chahut’, tout reluit...les restaurants et les bistrotsy z’ont la permission d’la nuit.
Tout chacun n’pens’qu’à croustiller.Y a plein d’ mond’dans les rôtiss’ries,les épic’mards, les charcut’ries,et ça sent bon l’boudin grillé.
Ça m’fait gazouiller les boïaux!Brrr! à présent Jésus est né.Dans les temps, quand c’est arrivé,s’ y g’lait comme y gèle e’c’te nuit,su’ la paill’ de vot’ écuriev’s z’avez rien dû avoir frio,Jésus et vous, Vierge Marie.
Bing !... on m’ bouscule avec des litres,des pains d’quatr’livr’s, des assiett’s d’huîtres,Non, r’gardez-moi tous ces salauds!
(Oh ! esscusez, Vierge Marie,j’ crois qu’j’ai cor dit un vilain mot!)
N’est-c’ pas que vous êt’s pas fâchéequ’eun’ fill’ d’amour plein’ de péchésvous caus’ce soir à sa magnèrepour vous esspliquer ses misères?Dit’s-moi que vous êt’s pas fâchée!
C’est vrai que j’ai quitté d’chez nous,mais c’était qu’la dèche et les coups,la doche à crans, l’dâb toujours saoul,les frangin’s déjà affranchies....
(C’était h’un vrai enfer, Saint’-Vierge;soit dit sans ête eune effrontée,vous-même y seriez pas restée.)
C’est vrai que j’ai plaqué l’turbin.Mais l’ouvrièr’gagn’pas son pain;quoi qu’a fasse, elle est mal payée,a n’ fait mêm’pas pour son loyer;
à la fin, quoi, ça décourage,on n’a pus de cœur à l’ouvrage,ni le caractère ouvrier.
J’ dois dire encor, Vierge Marie!que j’ai aimé sans permissionmon p’tit... « mon béguin... » un voyou,qu’ est en c’moment en Algérie,rapport à ses condamnations.
(Mais quand on a trinqué tout gosse,on a toujours besoin d’caresses,on se meurt d’amour tout’sa vie:on s’arr’fait pas que voulez-vous !)
Pourtant j’y suis encore fidèle,malgré les aut’s qui m’ cour’nt après.Y a l’ grand Jul’s qui veut pas m’laisser,faudrait qu’avec lui j’me marie,histoir’ comme on dit, d’l’engraisser.Ben, jusqu’à présent, y a rien d’ fait;j’ai pas voulu, Vierge Marie! Enfin, je suis déringolée,souvent on m’a mise à l’hosto,et j’ m’ai tant battue et soûlée,que j’en suis plein’de coups d’couteau.
Bref, je suis pus qu’eun’salop’rie,un vrai fumier Vierge Marie!(Seul’ment, quoi qu’on fasse ou qu’on disepour essayer d’se bien conduire,y a quèqu’chos’qu’est pus fort que vous.)
Eh ! ben, c’est pas des boniments,j’ vous l’jure, c’est vrai, Vierge Marie!Malgré comm’ça qu’ j’aye fait la vie,j’ai pensé à vous ben souvent.
Et ce soir encor ça m’rappelleun temps, qui jamais n’arr’viendra,ousque j’allais à vot’chapelleles mois que c’était votre fête.
J’arr’vois vot’ bell’rob’bleue, vot’voile,(mêm’ qu’il était piqué d’étoiles),vot’ bell’ couronn’ d’or su’la têteet votre trésor su’les bras. Pour sûr que vous étiez joliecomme eun’ reine, comme un miroir,et c’est vrai que j’vous r’vois ce soiravec mes z’yeux de gosseline;c’est comm’ si que j’y étais... parole. Seul’ment, c’est pus comme à l’école;ces pauv’s callots, ce soir, Madame,y sont rougis et pleins de larmes.
Aussi, si vous vouliez, Saint’-Vierge,fair’ce soir quelque chos’pour moi,en vous rapp’lant de ce temps-là,ousque j’étais pas eune impie;vous n’avez qu’à l’ver un p’tit doigtet n’pas vous occuper du reste...
J’ vous d’mand’pas des chos’s... pas honnêtes!Fait’s seul’ment que j’trouve et ramasseun port’-monnaie avec galetteperdu par un d’ces muf’s qui passent(à moi putôt qu’au balayeur!)
Un port’-lazagn’, Vierge Marie!gn’y aurait-y d’dans qu’un larantqué,ça m’aid’rait pour m’aller planquerça m’ permettrait d’attendre à d’mainet d’m’enfoncer dix ronds d’boudin!
Ou alorss, si vous pouez pasou voulez pas, Vierge Marie...vous allez m’ trouver ben hardie,mais... fait’s-moi de suit’ sauter l’pas!
Et pis... emm’nez-moi avec vous,prenez-moi dans le Paradisousqu’y fait chaud, ousqu’y fait doux,où pus jamais je f’rai la vie,
(sauf mon p’tit, dont j’suis pas guérie,vous pensez qu’je n’arr’grett’rai riend’ Saint-Lago, d’la Tour, des méd’cins,des barbots et des argousins!)
Ah ! emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moiavant que la nuit soye passéeet que j’soye encor ramassée;Saint’-Vierge, emm’nez-moi, j’vous en prie?
Je n’en peux pus de grelotter...t’nez... allumez mes mains gercéeset mes p’tits souliers découverts;j’n’ai toujours qu’mon costume d’étéqu’ j’ai fait teindre en noir pour l’hiver.
Voui, emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi.Et comme y doit gn’y avoir du ch’minsi des fois vous vous sentiez lasseVierge Marie, pleine de grâce,de porter à bras not’ Seigneur,(un enfant, c’est lourd à la fin),
Vous me l’repass’rez un moment,et moi, je l port’rai à mon tour,(sans le laisser tomber par terre),comm’ je faisais chez mes parentsLa p’tit’moman dans les faubourgs
quand j’trimballais mes petits frères.
Jehan Rictus, La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon, dans: Le coeur populaire (Le Geai Bleu, 2003)
Monique Morelli, Chansons poétiques et réalistes (EPM, 2011)
00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
22/12/2012
Morceaux choisis - Vénus Khoury-Ghata
Vénus Khoury-Ghata
Ils flottent à la surface de la mémoires'infiltrent dans les murs avec les lunaisonségorgent l'eaudémantèlent les pendulesIls escaladent les racinesdévalent la pente des pluiesaspirent les vapeurs des puitsboivent d'un seul trait nos fleuves en crueIls enjambent les toitsplient les poutresréveillent les enfants lovés dans leurs cilspour leur faire écouter le bruit de leurs phalangesIls mangent la chair du jujubierligotent les bras du cyprèset le convertissent en cierge. Ils volent dans l'air des cimetièresrenversent les sépulturesvident leur contenu dans les caniveauxIls neigent en flocons immobilessoufflent en rafales inertesnous les cueillons sur le rebord des hanchesnous les faisons macérer dans nos sueursessorons leurs larmesles séchons sur des cordes tendues sous terreIls harnachent nos nuitsscellent nos rêvesnous enfourchent du côté oublieux du cœurIls vont entre écorce et noyerforcent les portes de novembrepercent l’œil de la lucarnesignent nos miroirs de leurs buéesIls s'éloignent dans leur corpsse terrent dans leurs chevillescrient jusqu'à l'ainebesogneux ces morts lorsqu'ils rampent sous les prairiespour ramasser les noix rejetés par l'étéqu'ils secouent comme hochets d'enfants.
Vénus Khoury-Ghata, Monologue du mort, dans: Anthologie personnelle (Actes Sud, 1997)
08:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
17/12/2012
Morceaux choisis - Anne Hébert
Anne Hébert
Je suis la terre et l'eau, tu ne me passeras pas à gué,mon ami, mon ami Je suis le puits et la soif, tu ne me traverseras pas sans péril,mon ami, mon ami Midi est fait pour crever sur la mer, soleil étale, parole fondue,tu étais si clair, mon ami, mon ami Tu ne me quitteras pas essuyant l'ombre sur ta facecomme un vent fugace, mon ami, mon ami Le malheur et l'espérance sous mon toit brûlent, durement noués,apprends ces vieilles noces étranges, mon ami, mon ami Tu fuis les présages et presses le chiffre pur à même tes mains ouvertes,mon ami, mon ami Tu parles à haute et intelligible voix, je ne sais quel écho sourdtraîne derrière toi, entends, entends mes veines noiresqui chantent dans la nuit, mon ami, mon ami Je suis sans nom ni visage certain; lieu d'accueil et chambre d'ombre,piste de songe et lieu d'origine, mon ami, mon ami Ah quelle saison d'âcres feuilles roussesm'a donnée Dieu pour t'y coucher, mon ami, mon ami Un grand cheval noir court sur les grèves, j'entends son passous la terre, son sabot frappe la source de mon sangà la fine jointure de la mort Ah quel automne! Qui donc m'a prise parmi des cheminementsde fougères souterraines, confondue à l'odeur du bois mouillé,mon ami, mon ami Parmi les âges brouillés, naissances et morts, toutes mémoires,couleurs rompues, reçois le coeur obscur de la terre,toute la nuit entre tes mains livrée et donnée, mon ami, mon ami Il a suffit d'un seul matin pour que mon visage fleurisse,reconnais ta propre grande ténèbre visitée, tout le mystère liéentre tes mains claires, mon amour.Anne Hébert, Je suis la terre et l'eau, dans: Conversations amoureuses - Poèmes d'amour choisis par José Belin (Géraldine Martin, 1999)
22:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
09/12/2012
Lire les classiques - William Shakespeare
William Shakespeare
Contemple en moi ce moment de l'annéeOù ont jauni puis sont tombées les feuilles,Et peu en restent, chapelle en ruine, nue,Où les chantres, ce furent tard des chants d'oiseaux. Contemple en moi la journée qui s'achève,La trace de soleil que les ténèbres,Cette autre mort, vont effacer, qui cousentPour le repos les paupières de tout. Contemple en moi le rougeoiement d'un feuQui gît parmi les cendres de sa jeunesse,Ce lit de mort où il faut qu'il succombe,Usé par cela même qui l'a nourri. Contemple, et contempler fasse ton amourPlus fort, d'aimer ainsi, beaucoup, ce qu'il faut perdreWilliam Shakespeare, Sonnet LXXIII, dans: Les Sonnets / précédé de: Vénus et Adonis - Le Viol de Lucrèce (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
traduit par Yves Bonnefoy
image: Frank Bernard Dicksee, Miranda (pre-raphaelite.diandian.com)
06:58 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère, William Shakespeare, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
05/12/2012
Morceaux choisis - Roberto Veracini
Roberto Veracini
Maintenant que le temps est brumeet incessant l'assautd'ombres et d'humeurs,j'écoute dans tes pasles hurlements du ventet la saison heureusequi nous a perdus
Roberto Veracini, Maintenant que le temps est brume, dans: Eglal Errera, Les poètes de la Méditerranée - Anthologie (coll. Poésie/Gallimard, 2010)
image: nanie77720.wordpress.com
19:45 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
01/12/2012
Morceaux choisis - Addellatif Laâbi
Abdellatif Laâbi
L'encre s'amenuisemais la mer est à l'horizonQu'est la mersinon l'encre du cielque les terres émergéesn'ont pas su retenirNos écritures s'en vont Elles coulent et vont se fondredans la houleDe cette houlenous gardons une vague mémoireavec comme un grain lumineuxde connaissance inaltérableLes mains vides ou pleinesnous retournons à l'eauA la terreau cielpeu importeLe labyrinthe de l'espritest notre seul cheminune voie de salutque nous nous accordons à nous-mêmesTant mieux si quelqu'un nous entendTant pis si l'échoest happé par un trou noirNous ne sommes que des pélerinsignorants des foires et des templesrecueillant dans le désertet jusqu'au sommet des gratte-ciella rosée invisiblede l'innocenceet des âmes en souffrance
Abdellatif Laâbi, Ecris la vie, dans: Oeuvre poétique vol. 2 (La Différence, 2010)
image: lejardindenatiora.wordpress.com
06:42 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
26/11/2012
Lire les classiques - François de Malherbe
François de Malherbe
Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaineA, comme l’Océan, son flux et son reflux,Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,Ou je me vais résoudre à ne le souffrir plus. Vos yeux ont des appas que j’aime et que je prise,Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté;Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,Il leur faut de l’amour autant que de beauté. Quand je pense être au point que cela s’accomplisseQuelque excuse toujours en empêche l’effet;C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,Dont l’ouvrage du soir au matin se défait. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloireDe me l’avoir promis, et vous rire de moi;S’il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire,Et s’il vous en souvient, vous n’avez point de foi. J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,De ne m’en séparer qu’avecque le trépas;S’il arrive autrement, ce sera votre fauteDe faire des serments et ne les tenir pas.
François de Malherbe, Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1997)
image: Frank Bernard Dicksee, Contemplation / 1897 (galerie-creation.com)
01:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
11/11/2012
Lire les classiques - Odilon-Jean Périer
Odilon-Jean Périer
Ecoutez-moi si vous m'aimez:Je suis sauvé lorsque je chante; Et toi, surtout, que j'ai formé De ma plus douce voix vivante:Tes beaux cheveux bien éclairés Comme le feu dans la poussière Te font pareil aux oliviers, Tes mains connaissent un mystère Dont il reste de l'or aux doigts... Si tu es dieu, révèle-toi. Garde ton sang, bouche mordue, J'y vois la trace de ton coeur:Sur la voie que tu as perdue Je t'ai suivi comme un chasseur. Es-tu cette étoile sauvage? Je te salue, ô visiteur, Dans la lumière et la douleur, Visage doux comme une plage Usée, habituée aux vagues... Tu es l'amour aux mains profondes:Partageons ce pain et ce sel... Salut, dans le milieu du monde, Salut à mon ami mortel. Puis-je mourir, quelle folie! N'entends-tu pas ma poésie Et ce coeur battre, ô bouche d'or? Je suis le berger de ces ombres Et le principe de ces choses Ayant fait oeuvre de mon corps Je suis vainqueur, il se repose, Et je retourne à mes trésors. Homme enfermé, l'orgueil t'égare Libre et vivant, devant un mur. Accorde-moi ce corps avare, Ne sois, enfin, qu'un esprit pur. Amour, ce serait par faiblesse... Mais, par faiblesse, sois heureux. Laisse ces ruses sans noblesse J'ai vu la flamme dans tes yeux... Alors, il me prend par la tête, Porte la nuit dans mes fénêtres, Porte sur moi son souffle ardent, Par les genoux brise ma force Et, comme un cheval qui s'emporte, Jette ses cheveux dans le vent... Je suis seul. Je serre les dents. Plus tard, un soir comme les autres, La poésie monte et se pose, L'eau merveilleuse monte en moi, Le dieu se pose dans ma chambre, Tout est changé, c'est que je chante:Amour, entendez-vous ma voix?Mais le Démon n'écoute pas, Il pleure dans ses mains profondes... Les poètes sont seuls au monde.
Odilon-Jean-Périer, Ecoutez si vous m'aimez, dans: Poèmes (Labor, 2005)
image: Bruxelles (endroits.blogspot.com)
09:44 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
11/10/2012
Morceaux choisis - Franck Venaille
Franck Venaille
Je vous regarde rouler à même le sableenfants de mon enfance tristequand sur vos bicyclettesd'un beau noir de Flandrevous montez à l'assaut des dunestandis que dans cette fin de journée passéeMe souvenir, enfants, de vous J'entends les cris les rires les disputesPuis larmes dans la gorgeje laisse l'eau haute en sa décrueemporter avec Elleces sons d'autrefoisqui aujourd'hui encoretant encore me font souffrir.Frank Venaille, Certains qui tombent, dans: C'est à dire (Mercure de France, 2012)
08:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |